De l'infaillibilité de la justice

Publié le par Yves Du Buit

La justice s'est trompée pendant plusieurs années dans ce que l'on appelle « l'affaire d'Outreau ». Aujourd'hui, c'est clair. On crie au scandale, on dit que tout ceci aurait du être évité. Certes, mais rappelons nous l'émotion dans le pays à la révélation des faits, la pression et la surenchère exercée par les médias. L'affaire Dutroux, en Belgique, n'était pas si loin... Et qu'aurions nous dit si il y avait véritablement eu un réseau pédophile et si, trois ans plus tard, on avait découvert que des pervers avaient continué à violer des enfants en toute impunité?

Il est impossible d'éviter toute erreur judiciaire. Soit les critères d'investigation sont très stricts, et l'on n'arrêtera en effet que des criminels avérés, mais dans ce cas, on n' arrêtera que les criminels les plus évidents, laissant en liberté tous ceux pour lesquels il subsiste un doute. Soit ces critères sont beaucoup plus ouverts, et l'on mettra en cause tous les criminels (ou presque) mais également un certain nombre d'innocents. La problématique est connue, et mathématiquement décrite par la « théorie de la détection » que l'on applique pour tous les systèmes de détection, quels qu'ils soient. On parle alors de « non détection » lorsqu'on passe à coté d'un événement recherché et de « fausse alarme » si l'on détecte indûment un événement. Et l'on sait qu'en diminuant la probabilité de l'une, on augmente la probabilité de l'autre, et inversement, mais qu'on ne peut réduire en même temps l'une et l'autre.

Il faut donc se demander où fixer le curseur, le « seuil de détection ». Il faut se demander, pour l'ensemble des procédures judiciaires, et notamment pour ces affaires de pédophilie, si l'on préfère avoir des innocents en prisons ou des criminels en liberté; ou encore, si l'on privilégie le droit des victimes ou celui des accusés, car c'est bien de cela qu'il s'agit. Dans cette affaire, c'est le droit des « victimes » à être protégées qui a été privilégié. C'est probablement une bonne chose. Malheureusement, le mensonge n'était pas là où on le cherchait...

Alors, pour résumer, que constate t'on? Des accusations très graves de pédophilie sont lancées. Des personnes mises en causes. Elles ont été arrêtées, et emprisonnées. Les procès, quelques années plus tard (et le scandale est peut être là, dans la durée de la procédure) ont permis de faire éclater la vérité, de condamner les coupables et de libérer les innocents qui seront indemnisés, même si cela n'effacera pas la profonde blessure laissée au plus profond d'eux même. La justice, consciente d'une lourde erreur, ouvre des enquêtes qui permettront de comprendre et de corriger certains dysfonctionnements.

Erreur il y a eu. L'avenir dira si des sanctions sont justifiées. Mais je trouve (peut être suis-je le seul à le penser), que la justice ne se sort pas si mal de cette pénible affaire et que le « naufrage judiciaire » évoqué cette semaine en aurait été un si de véritables criminels avaient continué à nuire, ou que des innocents avaient été définitivement condamnés. Ce n'est, au final, pas le cas...

Publié dans Monde-Société

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